Sept clés pour percevoir l’Épiphanie !

7 clés pour percevoir l’Épiphanie par le père Christian Deduytschaever

Bien des récits et décors présentent « l’étoile de la crèche » (parfois même appelée « l’étoile des bergers » !) comme un élément essentiel de la fête de Noël. En réalité, on amalgame ainsi deux traditions, ce qui n’est pas mauvais en soi, puisqu’elles associent plusieurs pistes de découverte de Jésus ; mais, du coup, cela risque de faire disparaître la richesse et la variété des présentations dans les différents évangiles. En effet, l’étoile et la mangeoire marquent deux approches très différentes de Jésus, la première chez saint Matthieu, la deuxième chez saint Luc.

Clé 1. Nom traditionnel.

« ÉPIPHANIE » vient d’une racine grecque phaino signifiant « briller, apparaître » (comme dans phéno-mène), et épi (« sur, au-dessus »). Le nom désigne la manifestation, l’émergence de Jésus.
En Occident, le 6 janvier ou le 1er dimanche après le 1er janvier, on parle plus de la « FÊTE DES ROIS » (Drie Koningen, Los Reyes…), car on y célèbre la venue des mages, qui donne lieu à une série de traditions variant selon les régions : les trois rois mages, des chants folkloriques, la galette des rois avec la fève, tirer les rois, les cadeaux de la Befana (dérivé italien de « E-piphanie »)…

Suite à la relecture d’une prophétie d’Isaïe (Is 49,23 et 60,3-6) et à la richesse des trois cadeaux, on a successivement précisé, les mages étaient trois (selon Origène, au 3e siècle), puis rois (selon Césaire d’Arles, au 6e siècle), dénommés Gaspard, Melchior et Balthazar au 8e, et issus de peuples différents. Cette interprétation devenue traditionnelle en Occident rejoint ainsi en fait une des intentions de l’évangile selon saint Matthieu : l’annonce du salut à toutes les nations (Mt 28,19).

La « description » donnée au 8e siècle par Bède le Vénérable a largement influencé les traditions :
– Gaspard, jeune, imberbe, rouge de peau, offrant l’encens (nom rattaché à un mot hébreu ‘trésor’) ;
– Melchior, vieillard barbu à cheveux blancs, offrant l’or (nom de racine sémitique : melek, roi) ;
– Balthazar, noir et barbu, offrant la myrrhe (nom repris du livre biblique de Daniel : au cours d’un festin, un roi de Babylone reçoit un message divin annonçant qu’il va mourir : Dn 5).

Il existe sous différentes formes une légende complémentaire, celle du « 4e Roi Mage ». Celui-ci aurait en cours de route répondu à divers appels à l’aide, se dépouillant de tous ses biens et offrant même sa vie pour un esclave. Quand il arrive des années plus tard à Jérusalem, il découvre et reconnait Jésus : celui qu’il avait si longtemps cherché est alors sur la croix ; il l’avait déjà rencontré et aimé tout au long du chemin, sans le savoir ! Et il meurt, entrant pleinement dans la communion au Seigneur.

Clé 2. L’étoile.

Cette « étoile » a connu bien des interprétations plus ou moins scientifiques !
– une sorte d’étoile filante, parfois confondue avec la comète de Halley, comme Giotto l’a représentée.
– une étoile ou un astre, qui apparaîtrait à la naissance d’un grand homme « né sous une bonne étoile ».
– un signe céleste, une configuration astrale, comprenant une planète et la constellation des Poissons (On a affirmé qu’un tel signe s’était produit trois fois en l’an –6…)
Une telle étoile, en tout cas, a excité les imaginations, quand on a cru comprendre qu’elle disparaissait temporairement puis indiquait d’un rayon une maison de Bethléem. Bien souvent représentée à cinq branches, elle est devenue le signe typique de l’Epiphanie, y compris pour les enfants déguisés venant chanter le récit des mages aux portes des maisons. Les « marches à l’étoile » trouvent aussi là leur origine, dans le contexte de Noël.

Clé 3. Récit évangélique.

Si l’on retourne au seul évangile qui en parle (Mt 2,1-12), on voit arriver à Jérusalem des mages étrangers (des religieux astrologues perses ?) avertis de la naissance d’un roi des Juifs. Les grands prêtres et les scribes juifs, eux, savent que le Messie devrait naitre à Bethléem, la ville de David.
Quand ces deux informations se rejoignent (une époque et un lieu), les mages se remettent en route, tandis que les scribes ainsi que Hérode restent à Jérusalem : surs de leur rang, de leur foi, de leurs connaissances, de leur pouvoir, ils ne sont pas prêts à faire la démarche d’aller reconnaitre l’enfant hors de leur milieu.
Comme fréquemment dans l’évangile de Matthieu, ce sont ainsi les étrangers qui se montrent capables de foi et conversion, plus que les membres du « peuple élu ». Ce message, profondément nourri d’allusions bibliques, est bien loin d’un simple folklore.

Clé 4. L’étoile et la maison.

Les mages venus d’Orient disent explicitement : « Nous avons vu se lever son étoile » (v.2). Or, au livre des Nombres, Balaam, un prophète étranger (de Moab, à l’est du Jourdain), bénit le peuple hébreu en disant : « Je le vois, mais pas pour maintenant … : une étoile issue de Jacob devient chef, un sceptre se lève, issu d’Israël » (Nb 24,17). La tradition juive y a vu l’annonce de la monarchie de David, et c’est sur ce passage que s’appuie l’emblème de « l’étoile de David ».
D’emblée, les mages viennent ainsi annoncer la réalisation d’une promesse contenue dans la Bible. (On dit parfois qu’ils ont « suivi l’étoile » comme on « suit » une flèche, une indication.)
Ils pensent d’abord que cela se réalise dans la capitale, mais grâce à la Parole de Dieu (via les scribes), l’étoile prend son sens complet (ils la « voient » au sens plein du verbe) et ils vont à Bethléem.
Le texte grec suggère à ce moment une différence entre deux mouvements : d’une part, syn-ago, « réunir » (Mt 2,4) et rester entre soi à Jérusalem autour de la Parole, et d’autre part, pro-ago, « faire avancer » (plutôt que « précéder », Mt 2,9), comme le fait l’étoile en direction de Bethléem, la « ville de David » (où celui-ci est né).

L’évangile précise alors que l’étoile indique où les mages voient l’enfant avec Marie, sa mère (v.9-11) et se prosternent devant lui. Cette « maison », bien plus qu’une habitation, n’est-elle pas la « maison de David », la dynastie, la descendance promise par le prophète Nathan (2 Sam 7,16) ? Une descendance dont Joseph fait partie et dans laquelle il a fait entrer Marie et Jésus (Mt 1,16 et 20-21)…
A leur façon, les mages viennent alors reconnaître Jésus comme fils de David !
Et Matthieu nous invite, nous aussi, à comprendre en ce sens Jésus né à Bethléem, tandis que l’évangile de Luc (celui de la crèche de Noël) insiste sur la ‘mangeoire’ à Bethléem pour annoncer que Jésus sera donné, partagé en nourriture…

Clé 5. La route et les présents des mages.

Il est certain que l’intervention des mages a fortement marqué des générations de chrétiens.
On imagine leur foi, leur confiance dans le signe, un long pèlerinage reposant sur l’espérance, la disponibilité à la Parole de Dieu, la joie de la découverte, les dons d’amour et de vénération pour le Tout-Petit, la conversion aussi, symbolisée par l’ « autre chemin » pris en finale (v.12)
C’est sans doute ce cheminement qui a pu faire voir les mages comme les premiers missionnaires.
Précisons encore que si l’or, l’encens et la myrrhe sont avant tout des richesses, leur portée symbolique de « révélation » n’a évidemment pas échappé aux Pères de l’Eglise. Ceux-ci y ont vu la reconnaissance de Jésus comme roi (l’or), comme Fils de Dieu (l’encens de la prière offert à Dieu), comme homme mortel (la myrrhe de l’embaumement).

Clé 6. La Théophanie.

Sous ce nom de « manifestation de Dieu », le 6 janvier, les chrétiens orthodoxes célébraient dans l’Antiquité en même temps que la Nativité la révélation de la divinité de Jésus
– à toutes les nations, par l’intermédiaire des mages (Mt 2,2.11) ;
– au peuple juif, lors du baptême de Jésus (Mt 3,17)
– aux disciples, lors des noces de Cana (Jn 2,11).
Depuis la fixation de la fête de la Nativité au 25 décembre dans l’Eglise occidentale, les Orientaux qui ont aussi adopté cette date, au calendrier julien, consacrent le 6 janvier essentiellement au baptême de Jésus. A Rome, la visite des mages est célébrée le 6 janvier ou le dimanche après le 1er janvier et les autres événements sont célébrés les dimanches suivants.

Clé 7. Pistes de vie.

Il parait évident que, située en début d’année civile, l’Epiphanie peut facilement nous faire mettre notre chemin de l’année sous le signe des mages, en relevant par exemple ce qui peut être « étoile » pour nous, ce qui nous appelle, ce qui donne sens au chemin, quitte à ce que parfois peut-être nous nous égarions !
On peut penser aussi à notre façon de reconnaître Jésus : quel est l’aspect qui nous parle plus, comment le vénérons-nous ?
Pour cela, nous sommes certainement invités à vivre la complémentarité des indications : c’est ensemble que nous pouvons nous mettre en route, avec l’apport de la Parole de Dieu.
C’est ensemble aussi que nous pouvons exprimer et approfondir notre foi…Sachons que cela nous entraînera à laisser transformer notre vie : partager nos trésors et repartir sur d’autres chemins !

Christian Deduytschaever