Compte rendu |« Crise climatique et justice sociale » au centre culturel Groenendael

« Crise climatique et justice sociale »

Conférence-débat « Crise climatique et justice sociale » au centre culturel Groenendael le 26 janvier

introduction crise climatique et justice sociale

En introduction à son intervention, Monsieur Mairate a fait référence au rapport Meadows sous l’égide du Club de Rome (1972) « Limite à la croissance » dans lequel il était affirmé que la croissance ne pouvait pas être illimitée puisque les ressources étaient limitées d’où la nécessité de réduire non seulement la croissance matérielle mais également celle de la population, Forester qui était en charge de l’aspect modélisation du rapport allant même jusqu’à recommander de supprimer l’aide alimentaire aux pays en voie de développement s’ils ne mettaient pas en place des moyens de contrôle des naissances. Cette vision malthusianisme a longtemps perduré. De nos jours, les rapports et modèles scientifiques (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat -GIEC- …) mettent l’accent sur l’impact que le changement climatique aura sur nos sociétés. Le rapport du GIEC qualifié par le Secrétariat Général de l’ONU de « Red Code for Humanity » affirme qu’il est pratiquement certain que ce dérèglement climatique est causé par l’activité humaine. Jusqu’à présent les efforts pour y remédier sont largement insuffisants même si l’on tient compte des avancées de la conférence de Glasgow. Une bonne nouvelle est que le prix des énergies renouvelables a diminué d’environ 70% mais elles posent encore des problèmes (stockage, volatilité, fiabilité) si bien que des énergies « de transition » (gaz, nucléaire ?) sont nécessaires. Nous n’avons pas d’autre alternative que de nous engager dans la voie de la décarbonisation de l’économie ; il en résultera une transformation sans précédent qui touchera un grand nombre d’aspects de nos sociétés : des secteurs d’activité vont naître et d’autres disparaître, ce qui aura des répercussions notamment sur l’emploi et la formation. Le défi sera de gérer cette transformation sachant que, si la transition est socialement injuste, il n’y aura pas de soutien de la population. Il est donc impératif, comme l’annonce le titre de cette conférence, de tenir compte du lien entre crise climatique et justice sociale.

Décarbonisation

La prochaine décennie sera très importante. L’UE s’est dotée d’une feuille de route (Green Deal) incluant 50 initiatives (investissements, taxation, marché des droits d’émission de carbone…). Pour dissuader l’usage du carbone, il convient d’en rendre le prix suffisamment élevé pour en dissuader l’utilisation. Le prix de la tonne est actuellement de 90$contre 37$ il y a deux ans, ce qui donne déjà aux marchés un signal fort concernant l’orientation à donner aux investissements, mais ces efforts devront être poursuivis, ce qui nécessitera de nouvelles réglementations (par exemple standards pour émissions des véhicules) et un financement massif. D’où viendront ces moyens financiers : faudra-t-il accepter de la dette au détriment de finances publiques saines ? Dans quelle mesure et comment mobiliser le secteur privé puisqu’il est clair qu’il ne faudra pas compter que sur l’investissement public (problème de la taxonomie). Dans ce domaine, l’UE est en pointe au niveau mondial et s’efforce de donner l’exemple (alors qu’elle est responsable de moins de 10% des émissions mondiales) mais des questions se posent encore sur la manière d’accompagner cette transition : compensations aux travailleurs issus des entreprises polluantes et leur reconversion, formation, relocalisation, etc…. L’Allemagne a déjà fait dans ces domaines des efforts remarquables mais le problème se pose au niveau mondial : il faudra notamment aider les pays en voie de développement à effectuer cette transition : les accords de Paris prévoient à cette fin 100 milliards de dollars mais on est loin du compte. En conclusion, l’orateur appelle à une éthique de la responsabilité : il est plus important que jamais, dans cette problématique, de mettre l’homme au centre comme le rappelle la Doctrine Sociale de l’Eglise.

L’écologie : grand défi pour notre génération

Pour Monsieur De Beukelaer, l’écologie est le plus grand défi de notre génération. Jusqu’à présent, on a considéré cette question comme une série de crises : chaque fois on a considéré qu’il s’agissait d’un problème technique (pic d’ozone, puis dioxine, puis …), ce qui a suscité une prise de conscience écologique, avec l’émergence de partis verts qui en ont tiré des bénéfices électoraux puis la situation s’étant calmée, les choses ont repris un cours normal en attendant la crise suivante. Aujourd’hui, nous sommes dans une crise du CO2 , demain peut-être de la biodiversité, de l’élevage intensif, etc… L’orateur estime qu’il faut aller plus en profondeur et voir le dénominateur commun à toutes ces crises : l’homme qui les provoque. Pourquoi l’homme a-t-il un rapport si malsain à la nature et à l’environnement ? Selon lui, notre société est malade (maladies de longue durée, taux de suicides, …) et c’est cette souffrance qu’il convient de soulager ; en définitive, la question de l’écologie pose celle de la quête de sens de l’humanité et toutes les politiques « écologiques » qui ne partiraient pas de ce fondement rateraient leur cible : le problème serait chaque fois traité techniquement mais il finirait par se reposer. C’est surtout auprès des jeunes qu’il faut aborder la question du sens, c’est pourquoi une information devrait leur être donnée notamment sur les religions. On a également pu observer, particulièrement chez eux, lors de la crise du Covid, un manque d’adhésion aux mesures édictées par les autorités et, pour remédier à cette situation, il conviendrait qu’ils deviennent parties prenantes aux différentes mesures. Plus généralement, l’orateur estime qu’il ne suffit pas d’imposer des règles mais qu’il faut convaincre : on peut comparer cela à la différence entre le dressage (au terme duquel l’animal redeviendra féroce à la moindre occasion) et la domestication (qui aura pour résultat que l’animal devient sociable). Pour cela, de passer de la société de la punition à celle de l’encouragement, à défaut de quoi les forts essayeront de dresser les faibles et réciproquement. Comme l’a montré l’orateur précédent, on ne dispose plus que d’une dizaine d’années et c’est donc maintenant qu’il faut prendre des mesures pour effectuer ce changement de paradigme. A cet effet, il cite des mesures concrètes pouvant être prises dès à présent dans lesquelles il s’est impliqué en tant que député bruxellois. Un premier exemple est le péage urbain : Monsieur De Beukelaer n’est pas contre le remplacement de la taxe à la possession d’une voiture par une taxe à l’utilisation, mais il estime que, plutôt que de passer de but en blanc à une mesure coercitive, il faudrait passer par une période transitoire au cours de laquelle les usagers seraient encouragés, par un système de primes, à utiliser des moyens de transport alternatifs. D’autres exemples sont l’utilisation du vélo et notamment du vélo électrique qui doit être promue, ce en quoi il rejoint le gouvernement actuel tout en estimant que des efforts sont encore à faire concernant les infrastructures, etc…, et l’idée d’un taxi social pour les seniors. Dans le domaine de l’immobilier, il estime que, pour inciter les propriétaires à faire des investissements pour rendre leurs biens moins énergivores, ils devraient être autoriser à compenser en partie les frais consentis par une augmentation des loyers puisque les locataires auraient des coûts énergétiques moindres ; à côté de cela, ils devraient bénéficier d’aides publiques et d’appuis de la part des fournisseurs d’énergie. Monsieur De Beukelaer fait également remarquer que personne ne sait encore exactement comment on arrivera à la neutralité carbone en 2050 et donc qu’il ne serait pas raisonnable de faire dès à présent une croix sur l’énergie nucléaire. Il préconise aussi de promouvoir l’économie circulaire notamment en incitant les industriels à recycler leur production.


 

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