Cardinal Danneels | Ses funérailles vendredi 22 mars

Les funérailles du regretté cardinal Danneels se sont déroulées le vendredi 22 mars à Malines en présence du Roi et de la Reine ainsi que de nombreuses personnalités. La célébration eucharistique a été présidée par mgr De Kesel. Voici le texte de son homélie :

« 1977 touchait à sa fin lors que le cardinal Danneels est devenu évêque d’Anvers. C’était le 3ème dimanche de l’Avent. Quelques jours plus tard, c’était Noël. Dans la liturgie, est alors lue la lettre de saint Paul à Tite, sur la bonté de Dieu et son humanité. C’est la lecture que nous venons d’entendre. C’est dans cette lettre que le cardinal Danneels a trouvé sa devise épiscopale : Apparuit humanitas Dei nostri  ; l’amour de notre Dieu pour les hommes nous est apparu.

Ces quelques mots nous conduisent au cœur de l’évangile. Et ils nous font voir comment le Cardinal a vécu sa vocation de prêtre et d’évêque, tout au long de ces années.

L’amour de notre Dieu pour les hommes nous est apparu. C’est tellement beau et tellement justement traduit en latin : humanitas Dei, l’humanité de Dieu. Dieu n’est pas seulement conduit par un grand amour pour les hommes, mais il s’est lui-même fait homme. Et c’est pour cela qu’il marche si humainement avec nous. Ni exigeant, ni contraignant, ni culpabilisant. Il nous a sauvés non parce que nous aurions fait quelque chose de bien, mais parce qu’Il est miséricordieux.

Beaucoup de nos contemporains ont l’impression que la foi et la religion sont plutôt une entrave à construire librement leur bonheur. Ils ont le sentiment qu’il s’agit toujours de « devoir » ou de ne « pas pouvoir ». Naturellement, la vie humaine est une affaire sérieuse et l’amour peut être exigeant. Cependant l’évangile est la bonne nouvelle de l’humanité de Dieu.

Cela nous a été promis de toutes les manières : que Dieu se fasse homme, que nous sommes connus et aimés par Lui et acceptés radicalement par Lui, même dans notre fragilité et notre finitude, y compris dans notre péché. Oui, la bonté et l’humanité de Dieu sont apparues.

C’est notre bonheur et notre salut. C’est pourquoi nous ne sommes pas sans espoir. Et c’est pourquoi l’évangile est un appel à une vraie humanité pour tous ceux qui veulent l’entendre. Ces mots, choisis par le cardinal Danneels comme devise épiscopale, montrent qui il était vraiment. Et comment il a été un bon pasteur durant toutes ces nombreuses années.

Cette même Bonne Nouvelle de la bonté et de l’humanité de Dieu, nous l’avons aussi reçue dans l’évangile que nous venons d’entendre. Il nous raconte le début de la prédication de Jésus quand il est sollicité à Nazareth le jour de sabbat pour lire la prophétie d’Isaïe qui dit : L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle.C’est dans ces paroles d’Isaïe que Jésus s’est reconnu et qu’il a discerné sa propre mission. C’est dans ce texte que l’on trouve pour la première fois le mot « évangile ». C’est devenu le mot-clé pour désigner le sens de toute sa mission. Lui qui n’est pas venu pour juger mais pour sauver. Nous sommes connus et aimés de Dieu tels que nous sommes. C’est là, comme le dit le pape François, « la joie de l’évangile ».

C’est à l’annonce de cet évangile que le cardinal Danneels a consacré sa vie. Comme sur Jésus, l’Esprit est venu sur lui et lui aussi a été consacré par l’onction. Cet Esprit, il l’a reçu en abondance. Avec le don de la parole qui lui a été donné et qui a touché tant de personnes, chez nous et dans l’Église universelle, et toujours avec cette simplicité de cœur qui est la marque d’un disciple du Christ. Ces longues années durant lesquelles il a été prêtre et évêque représentent, à plusieurs égards, un tournant décisif, aussi bien pour l’Église que pour la société. C’était la fin d’une période et le début d’un futur inconnu et d’un avenir incertain. Il n’a pas été facile d’être guide et pasteur en ces moments. Mais il l’a été. Avec courage et autorité, mais toujours sans briser le roseau froissé ni éteindre la mèche qui faiblit. Ce qu’il a dit du roi Baudouin lors de ses funérailles vaut aussi pour lui : Il y a des rois qui sont plus que roi ; ils sont les bergers de leur peuple.

Le Cardinal avait le don de la parole. À travers la parole, avec autant de prises de parole et d’écrits inspirés, il a touché le cœur de beaucoup. Grâce à la parole, il nous a toujours conduits à la source. Il n’avait aucune nostalgie du passé. Fidèle au concile Vatican II, il était foncièrement convaincu de la nécessité de la rénovation et de la réforme dans l’Église, tant de sa tête que de ses membres. Une Église ouverte qui ne s’élève pas au-dessus des gens, mais qui compatit aux joies et aux espoirs, et aussi à la peine et à l’angoisse des hommes. Il désirait intensément la rénovation et la réforme. Mais pas sans retour à la source, pas sans spiritualité, pas sans une liturgie vivante, pas sans prière. Pour lui, le souci de la vie intérieure était indissociable de toutes réformes.Il savait aussi qu’il n’y avait pas d’avenir pour notre Église sans les autres Églises chrétiennes. Le dialogue œcuménique lui tenait à cœur. Tout comme il était convaincu de l’importance du dialogue inter-religieux et de l’importance d’autres traditions religieuses dans notre pays.

Lors de funérailles, on n’honore pas quelqu’un en lui promettant le ciel. Lors de funérailles, on prie pour obtenir la grâce et la pitié. Cela vaut aussi pour le cardinal Danneels. Lors de ses 75 ans, on le questionnait sur ce qu’il voudrait demander à Dieu lorsqu’il paraîtrait devant Lui, il répondit : Qu’Il soit miséricordieux pour ce que je n’ai pas bien fait. Il y a quelques années, quand sa biographie a été publiée, il a publiquement pris la parole pour la dernière fois. L’Église était alors confrontée aux abus en son sein, avec tellement de péché et de faiblesse. Et là encore, il a dit : Là où je me suis trompé, je compte sur la miséricorde de Dieu. Aujourd’hui, voilà notre prière à tous. Avec un cœur plein de reconnaissance et avec une profonde affection.

Sois indulgent, Seigneur, pour lui qui T’a servi avec tant d’amour, et accueille-le avec amour dans Ta maison. »

Jozef, cardinal De Kesel, 
Archevêque de Malines-Bruxelles
 

Traduction partielle : Anne Périer et Anne-Elisabeth Nève

Photos Hellen Mardaga