« Nul ne niera que toute existence est fragile. Cette fragilité fait partie de notre humanité, de la naissance au décès. Le théologien protestant Paul Tillich (1886-1965) n’hésite pas à écrire que « la vie humaine est placée sous le sceau de la fragilité ». Tous, à un moment de notre existence, nous nous sentons – et plus que probablement le sommes-nous – vulnérables. Qui peut en effet affirmer que sa vie est un long fleuve tranquille ? Personne, bien sûr.
Le mot « fragilité » a toutefois une connotation négative aux yeux des humains que nous sommes. Il est synonyme de « faiblesse » et celle-ci fait peur, car, elle nous met en quelque sorte « à nu ». Sans protection.
Face à cette situation, nous avons souvent tendance à nous réfugier dans des clichés où la force est dominatrice et équivalente à un sentiment de victoire. Pourtant, il n’existe aucun super-héros, ni super-héroïne. Pas plus que n’existent des êtres parfaits. Mais, dans notre monde parfois bousculé, la loi du plus fort est mise en avant, érigée en précepte. La fragilité est donc de plus en plus attaquée
Ainsi, les lois bioéthiques ouvrent des chemins dans lesquels le manque de robustesse de quelqu’un est prétexte à élimination. Du fœtus qui grandit dans le sein de sa mère au vieillard qui s’éteint. De la personne handicapée à naître à l’être à qui la maladie a ôté toute perception de la réalité. Fragiles sont aussi les sans-abri, les exilés, les migrants, etc. Certains voudraient les extraire de notre champ visuel.
Au regard de cela, on peut s’interroger pour savoir si la fragilité a encore une place dans cette société. Et il y a là un grand danger car en occultant cette fragilité, on en arrive alors à nier Dieu. Pourtant présenté comme le symbole de la toute-puissance, Dieu l’est réellement, mais pas au sens où nous le croyons: il est puissant précisément dans sa fragilité à aimer chacun(e) quel que soit son parcours. Jésus a montré cette fragilité dès sa naissance dans une crèche, symbole même de l’absence de refuge. Au cours de sa vie, il a connu les tentations et même le désespoir face au supplice de la croix, mais il a assumé sa fragilité jusqu’au bout, pour en faire un passage vers la Vie. Il nous invite à faire de même. Mieux encore: nous sommes appelés à défendre sans relâche la fragilité quelle que soit sa forme et conviés à dire « non » aux lois qui nient la vie.
Parce qu’en attaquant la fragilité humaine, c’est Dieu que l’on tue ! »
Jean-Jacques Durré – Rédacteur en chef de Cathobel
Accéder à l’article originel sur le site de Cathobel.
Photos tous droits réservés Pxhere.