Deuxième session du Synode des Evêques sur la synodalité (Rome, 2-27 octobre 2024)

Impressions de Monseigneur Koen Vanhoutte

Délégué de la Conférence épiscopale de Belgique

 

Mon impression globale sur la récente assemblée synodale est qu’on a pu vivre une session d’approfondissement après la session inaugurale d’octobre 2023. Celle-ci s’est déroulée dans une atmosphère fraternelle dont tous les participants et participantes se connaissaient déjà. Ce furent d’agréables retrouvailles pour toutes et tous. Notre récente session d’octobre a connu quelques impressionnants moments liturgiques. Avec la belle célébration pénitentielle au début, puis une veillée de prière oecuménique à la fois très animée et sereine ; et enfin, la célébration eucharistique finale. Dans nombre d’interventions et de conversations, les débats sur l’avenir du monde (dans un contexte de guerre, d’injustices et de famines) se retrouvèrent à l’avant-plan. Mais dans les discussions au cœur du synode et dans le texte final, le futur de la planète s’est retrouvé un peu à l’arrière-plan. Il y eut aussi beaucoup d’attention pour le fait que notre monde pourrait s’inspirer de certaines initiatives ecclésiales mais la réflexion inverse ne fut guère présente.

Notre session d’approfondissement tourna autour d’un thème particulièrement délimité : comment devenir une Eglise plus synodale ? Le tableau de la session inaugurale de 2023 a été, pour le dire d’une manière imagée, effacé au début de 2024. Après le questionnement ouvert lors du lancement du processus synodal (en 2021), toutes les thématiques furent pour ainsi dire en discussion en octobre 2023. Cette fois, le sujet était clairement délimité et les débats axés autour de plus fortes focalisations. Cela a été ressenti comme globalement positif. Avec quand même la conséquence qu’un certain nombre de thèmes d’octobre 2023 ne furent presque plus abordés cette fois-ci. Ainsi, il ne fut pratiquement plus question d’une Eglise « inclusive ». Puis, moult thèmes ont été confiés au début de cette année par le pape François à une dizaine de groupes de réflexion et d’étude qui poursuivront leurs travaux jusqu’en été 2025. Dans les rangs des participants au synode, on a fait montre d’une grande compréhension pour que l’on prépare bien cette étude préliminaire. Ce qui n’a pas empêché de voir surgir aussi beaucoup de questions pour les liens plutôt vagues entre les groupes d’étude et la deuxième session synodale. Au début de la session d’octobre 2024, ces groupes d’études ont présenté un bref bilan de ce qui avait été discuté. Il est apparu que ce fut trop court pour répondre aux attentes. Puis, plus tard pendant la session d’octobre, les participants au synode ont eu l’occasion de rencontrer les membres de ces groupes. Le 26 octobre le pape François a promis qu’après la clôture finale de ces groupes d’études, il y aurait une consultation des conférences épiscopales.

Les conversations menées par petites tables rondes ont connu un bon déroulement grâce à la désormais bien expérimentée et reconnue méthodologie de la conversation dans l’Esprit. La parole libre et une écoute intense se sont succédées dans une bonne ambiance.Parfois, cela a fait émerger une discussion plus vive avec un bon échange d’arguments, même si ce fut de manière limitée. Les interventions libres lors des assemblées générales ont parfois engendré une écoute longue et, par moments, difficile. Les apports programmés s’ils furent nombreux, étaient forcément plus brefs, avec aussi l’évocation de thèmes très divers qui ne s’inscrivaient pas toujours dans le sujet de la session. Puis tout ajout (oral et écrit) a connu une mise en évidence complexe qui a exigé à la fois beaucoup de temps et de patience de ses rédacteurs mais tout cela a quand même permis de concrétiser de manière un peu miraculeuse un texte final solide.

La session d’approfondissement d’octobre 2024 s’est aussi caractérisée par une forte confiance dans les motivations personnelles des participants au synode. Nos discussions n’étaient pas pilotées d’avance mais élaborées en profondeur. Mais cela n’a pas empêché moult participants de regretter que les théologiens avaient été trop peu et trop tard impliqués, afin de mieux diriger, à l’aune de leur expérience, notre processus doctrinal et les débats, sur de bonnes voies. Ainsi, il n’y a pas eu dans les discussions de textes martyrs élaborés dans cette perspective par les théologiens. Nos débats ont toujours été inspirés par le texte de l’Instrumentum laboris. Du côté des innovations, on citera la tenue deux mercredis d’octobre en soirée de forums théologico-pastoraux. Ce furent chaque fois de solides moments de formation tout en ne s’inscrivant pas toujours dans le contexte des débats synodaux.

Comme toute session d’approfondissement, celle du synode rappela par moments le caractère ennuyeux d’une leçon répétitive, d’arguments déjà entendus. Mais nombre de thèmes furent réévoqués et trouvèrent de ce fait une meilleure réception. Globalement, il faut aussi noter un certain nombre de moments d’approfondissement des thématiques. Qui ont été instructifs à plus d’un titre. On a ainsi vu émerger une théologie bien bâtie et une spiritualité de la synodalité qui émerge bien plus que comme une prise en mains pragmatique de l’art de s’organiser. Ce fut aussi le moment d’une bonne mise en perspectivecommunautaire et ecclésiale et l’émergence d’une nouvelle prise en compte de procédures qui conduisent à plus de transparence et de prise en compte de responsabilités pour tous ceux qui ont des responsabilités au sein de l’Eglise. En même temps, on a aussi fortement renforcé la reconnaissance et la promotion d’une grande quantité de missions de service pour les femmes et les hommes dans l’Eglise à partir de leur baptême. A côté de cela, la spécificité des ministères consacrés fut cependant plus difficile à exprimer. Nous avons aussi retenu le désir fort de mieux préciser ce qu’on entend par une saine décentralisation au sein de l’Eglise. On a aussi parlé des compétences propres des conférences épiscopales et des assemblées épiscopales continentales. On a aussi constaté qu’il y avait une forte conviction que l’Eglise catholique existe par et travers les églises locales.

Comme il fallait s’y attendre, nous n’avons pas reçu de bulletin à la fin du synode. Par contre, nous avons quitté Rome avec pas mal de devoirs à faire pour la suite. J’ai pourtant cru qu’il reviendrait surtout au pape François de faire le sien puisqu’on s’attendait à ce qu’il écrive une exhortation post-synodale… A la grande surprise de tous, le Pape a précisé lors de l’approbation du texte final qu’il confiait désormais celui-ci au Peuple de Dieu. Il ajouta qu’il était temps maintenant de transformer ces mots en actes et de passer de la théorie à la pratique. Voici donc qu’après la préparation et la célébration du synode démarre la phase suivante, celle de la réception. Il s’impose maintenant de voir comment nous pouvons implémenter, traduire concrètement certaines propositions dans notre Eglise belge (diocésaine ou interdiocésaine). Cela exige une mise en ordre des priorités et un calendrier. Par rapport à cela, nous devons garder à l’esprit que le renouveau de l’Eglise va de pair avec une conversion (spirituelle) et une réforme (structurelle) et qu’elle doit rester fidèle à sa mission, à savoir d’être missionnaire et synodale.

Pendant le Synode, pas mal de travaux de rafraîchissement étaient en cours à Rome en vue de la prochaine année jubilaire. Souvent, ils étaient flanqués d’une bannière portant le texte « Giubileo 2025. Roma si trasforma ». Ci et là, les travaux avaient débuté, ailleurs, ils étaient de nouveau à l’arrêt ou allaient être repris. Cela m’a amené à faire un parallélisme avec la situation de l’Eglise qui est aussi en transformation : « La Chiesa si trasforma ». Le passage vers une Eglise plus synodale et missionaire a démarré mais est loin de se terminer.

Il reste tant à faire…

 

+Koen Vanhoutte

Evêque auxiliaire de Malines-Bruxelles

(Traduction : Christian Laporte)