Entrée en carême | L’homélie de Mgr Kockerols du 6 mars

Ce mercredi 6 mars à midi, Monseigneur Kockerols a présidé la messe à la Cathédrale des Saints Michel et Gudule. Son homélie nous fait prendre le chemin du Carême avec comme horizon la Semaine Sainte et et la Nuit de Pâques.

« Entrons en Carême !

Comment sont nées la plupart de nos routes ? A force d’être emprunté pendant des années, des siècles, par de plus en plus de gens, de petits sentiers se sont transformés en chemins… puis en routes. D’où le mot routine. C’est qu’on fait comme d’habitude, toujours de même, par le même chemin. Il y a bien des dimensions de notre vie qui se vivent dans la routine, et heureusement : nous consommerions beaucoup d’énergie à chaque fois repenser telle ou telle action, à prendre chaque fois un autre chemin. La routine.

Il en va de même pour notre vie de foi. Elle roule toute seule. Comme d’hab. Mais il y a là une usure, très subtile, qui peut être dangereuse. A force de routine, à force de la laisser rouler toute seule, nous ne voyons plus le sens de notre foi, ni sa beauté, ni sa grandeur, ni son défi permanent pour nos existences. C’est comme ces photos au mur, trop longtemps exposées au soleil, et qui perdent leurs couleurs. On voit encore ce que c’est, mais c’est tout. Comme ces chaussures, qu’on oublie de cirer, remettant cela chaque fois au lendemain. Comme ce bon vin, qui a traîné trop longtemps à la cave, et qui n’est plus qu’une piquette. A force d’habitude, notre foi, comme tant d’autres réalités, en vient à se dénaturer, à déteindre, à perdre sa saveur.

Alors, l’Eglise nous met au défi. Elle donne un horizon bien défini, une ligne d’arrivée : la Semaine Sainte, la Nuit de Pâques. Nous célébrerons solennellement la Passion et la Résurrection du Christ, la clé de voûte de notre foi. Et l’Eglise nous demandera cette nuit-là, avec la même solennité : croyez-vous ?

Croyez-vous ? Pour pouvoir répondre en toute franchise, honnêtement, l’Eglise nous donne 40 jours pour nous préparer, pour remettre les compteurs à zéro. Pour dépoussiérer ce que la routine commençait à cacher. Pour retrouver la saveur de la foi, la beauté de la vie selon l’Évangile, et ses exigences. Ai-je vraiment besoin de me convertir ? Mon péché m’a-t-il donc tellement éloigné de l’amour du Seigneur ? C’est ça les bonnes questions que l’Eglise nous invite à nous poser.

Heureux sommes-nous d’entrer dans ce temps d’exercices spirituels, de remise en condition, de cure détox. Tous les efforts de carême ont pour finalité de nous booster. Oui, je sais, notre conversion devrait être une question permanente. Mais il y a si souvent d’autre chose à faire, si souvent de bonnes excuses. Ici, il y a l’Eglise entière qui parcourt avec moi, avec tous ce chemin de conversion. Quand nous jeûnons, et nous allons jeûner, si, si, alors c’est en Eglise. Quand nous prions, et nous allons prier, plus et mieux, nous prions en Eglise. Quand nous partageons, et il serait temps de s’y mettre, nous donnons ensemble, avec l’Eglise.

Le Carême, c’est le contraire de la routine. C’est un regard qui change, c’est un esprit qui se remet en question, c’est une écoute renouvelée de la Parole de Dieu. C’est une invitation : convertis-toi. Pour qu’une nuit, d’ici quelques semaines, l’Eglise nous rassemble et que nous entendions cette interpellation : crois-tu ? »

+Jean Kockerols