Lors de la messe des défunts de la famille royale à la Cathédrale de Bruxelles le 17 février, mgr Kockerols a fait une très belle homélie :
« Il y a dans notre pays une loi qui est au-dessus de toutes les lois. C’est la Constitution. On ne la change pas aussi facilement qu’une simple loi. Elle est protégée. Pour une bonne raison : elle reprend les principes fondamentaux du pays, de son fonctionnement, de sa vie. Eh bien, il en va de même dans la foi chrétienne : il y a bien des choses qui relèvent de la foi, il y a bien des nuances ou des variables, mais au cœur, il y a un message, un Evangile, une Bonne Nouvelle, très simple, entendue dans la 1re lecture : « Christ est mort et ressuscité pour nous ». Cet Evangile implique une façon de vivre : c’est ce que Jésus décrit au tout début d’un long discours, qui s’appelle le « sermon sur la montagne ». Jésus proclame les Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, les doux, les miséricordieux, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim et soif de justice… » Heureux ! Voilà l’invitation lancée par le Christ : un chemin de bonheur. Il dresse le portrait de l’homme vraiment heureux. Pas l’homme satisfait ou content de petits bonheurs éphémères. Non, un vrai bonheur qui rend notre vie féconde. Le pape François aime dire que c’est comme la carte d’identité du chrétien. C’est un peu notre Constitution.
Quand on gratte un peu derrière ce portrait, cette carte d’identité, on voit en réalité le portrait de Jésus lui-même. Les Béatitudes, c’est le Christ. Il nous donne son autoportrait, mais en même temps il nous invite à le suivre sur son chemin, le chemin de bonheur, qui est aussi chemin de sainteté. De sainteté, mais aussi de contradiction : les Béatitudes vont à l’encontre de ce que le monde apprécie : la force, la richesse, la victoire du plus fort. Non, la charte fondamentale du chrétien, sa constitution, c’est la pauvreté du cœur, la douceur, la miséricorde, la soif de justice, la quête de la paix, qui donnent du sens à sa vie, qui le rendent heureux, qui contribuent à sa joie. La miséricorde, le « cœur battant de l’Evangile » comme le dit le pape François.
Nous commémorons les défunts de la famille royale. Nous rendons grâce pour leur vie accomplie et nous les confions à la tendresse de Dieu. On ne choisit pas de naître dans une famille, a fortiori de naître dans la famille royale. Mais on y reçoit une mission toute particulière et je devine qu’il n’est pas toujours facile d’y être pleinement soi-même, car les contraintes sont grandes. C’est donc d’autant moins facile de répondre à l’appel du Christ. L’appel à chercher le bonheur en vivant les Béatitudes est d’autant plus exigeant. Mais permettez-moi de continuer à deviner que dans la famille royale comme dans toutes les familles, il y a cette profonde aspiration tellement humaine d’avoir un cœur doux et humble, de désirer la miséricorde, d’être tenaillé par la faim et la soif de justice, de mettre le travail pour la paix au premier plan. Toutes choses qui passent aussi, comme Jésus le rappelle dans les Béatitudes, par des larmes, de la peine et de l’incompréhension, des critiques injustes.
Nos Rois et nos Reines défunts et les membres de leur famille ont exprimé, chacun et chacune à sa façon cette quête du bonheur, du vrai bonheur. Ils l’ont fait avec leurs charismes autant qu’avec leurs limites et avec les contraintes liées à leur fonction, mais avec le désir profond de ce bonheur-là, de ce bonheur vrai, celui des béatitudes. Que leur récompense soit grande dans le Royaume des cieux. Amen. »
+Jean Kockerols
©Hellen Mardaga