Les Pères Blancs et les Sœurs Blanches fêtent leur 150 ans cette année !

 

Des missionnaires en fête !

La Société des Missionnaires d’Afrique, les Pères Blancs comme on les appelle couramment, fête ses 150 ans d’existence. Un anniversaire célébré avec les Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, pendant un an et ce du 8 décembre 2018 au 8 décembre 2019. Pas moins de 991 Pères Blancs originaires de Belgique ont été missionnaires dans de très nombreux pays et ont fondé de nombreuses missions. 

Pas moins de 50 Pères Blancs et 10 Sœurs Blanches ont été assassinés dans l’exercice de leur travail comme missionnaire. Le 8 décembre 2018, il y eut la béatification à Oran (Algérie) du Père Blanc originaire d’Anvers Charles Deckers parmi 18 martyrs parmi lesquels on dénombrait 3 autres Pères Blancs. Mgr. Johan Bonny, évêque d’Anvers, concélébrait l’eucharistie. Ces religieux ont tous été tués en Algérie dans les années 1990 où ils étaient missionnaires.

Actuellement en Belgique, on compte 106 Pères Blancs, la plupart sont retraités. Douze de nos compatriotes Pères Blancs sont aujourd’hui missionnaires en Afrique et une dizaine d’autres travaillent dans d’autres pays d’Europe, à Jérusalem et à Rome au sein de la maison généralice. Il y a notamment une Rue des Pères Blancs, à Etterbeek, et une Rue cardinal Lavigerie (fondateur de la congrégation), à Schaarbeek.

 

À cette occasion, le Père Walrave Neven, missionnaire d’Afrique, nous en dit plus sur les origines et l’histoire de ces missionnaires :

Les origines de la Société et l’histoire des Pères Blancs et les Sœurs Blanches, de 18880 à 2010

Les deux Instituts ont été fondés par le cardinal Charles-Martial Lavigerie (1825-1892), en 1868 et 1869. Celui-ci était arrivé sur le siège d’Alger en 1867. Déjà bien connu en France, évêque de Nancy, il était promu, à vues humaines, à une belle carrière en France mais à la surprise générale, il avait accepté le siège d’Alger qu’il voyait déjà comme une porte ouverte sur l’Afrique.

Un historien de la Société a écrit que le cardinal Lavigerie était un homme passionné. Les Sœurs Blanches en ont fait l’expérience, elles, dont Mgr. Lavigerie avait décidé d’arrêter la fondation à peine commencée. Il aura fallu l’entêtement d’une Bretonne, Mère Salomé, pour le faire revenir sur sa décision. Si les Pères Blancs n’ont pas connu une telle situation extrême, il faut toutefois reconnaître que les débuts furent héroïques et marqués par une grande précarité dans leurs premières missions en Kabylie où Mgr. Lavigerie les avait envoyés avec déjà une vision très précise de ce que devait être leur apostolat.

 

Martyrs d’Uganda

Le cardinal Lavigerie était intelligent et fut doué d’une vaste culture historique. Il avait une bonne plume. On raconte qu’il fut capable de dicter six lettres en même temps à ses secrétaires. Il avait aussi une vision claire de ce que serait la mission en Kabylie et en terre d’Islam, et aussi, à partir de 1878, au cœur de l’Afrique en proie à l’esclavage et au dépeçage colonial des années 1885. N’ayant lui-même jamais mis les pieds au cœur de l’Afrique noire, il avait cependant donné des instructions précises à ses missionnaires pour leur dire comment ils devaient procéder. Aux missionnaires en terre d’Islam il avait donné l’ordre de ne procéder à aucun baptême tandis qu’en Afrique centrale, il instituait le catéchuménat de quatre années avant le baptême. Arrivés en 1879 au cœur d’une Afrique ravagée par l’esclavage, ces jeunes missionnaires savaient que l’œuvre durable ne serait accomplie que par les Africains eux-mêmes devenus chrétiens et apôtres. Six ans après leur implantation en Uganda, les Pères Blancs ont formé une vingtaine de missionnaires devenus… martyrs. Incroyable mais vrai, ils devinrent les futurs Martyrs d’Uganda.

En 1913, Mgr. Henri Streicher, Vicaire Apostolique de l’Uganda, ordonne ses premiers prêtres africains. En 1917, c’est le tour du Rwanda et du Congo. Le Burundi  suivra en 1925. Pendant longtemps, les Pères Blancs se sont vu confier la direction de neuf grands séminaires pendant que les Sœurs Blanches aidaient à la naissance de 22 congrégations de religieuses africaines.

Dans l’hémisphère Nord, de nombreuses maisons de formation s’ouvrent. Elles étaient bien fournies. En haut lieu, la Société définit les grands axes de sa présence en terre d’Islam. Par un heureux concours de circonstances, la Société est amenée à prendre en main, à Jérusalem, la formation du clergé grec-melkite en évitant scrupuleusement de les latiniser.    

 

Écoles de langues

Les Pères Blancs en 1878.

C’est après la deuxième guerre mondiale que la présence des Pères Blancs en Afrique va connaître des records. Tous les territoires confiés par la Congrégation de l’Évangélisation vont connaître le plus grand nombre de missionnaires Pères Blancs. A titre d’exemple, un petit pays comme le Burundi en comptera jusqu’à 242 en 1966.

La Société, en cela très fidèle aux intuitions de son fondateur, insiste beaucoup sur la connaissance de la langue locale, clé indispensable pour rejoindre le cœur et l’âme profonde de la population locale. Depuis le Maghreb jusqu’à la région des Grands Lacs fleurissent les écoles de langues. À l’époque du cardinal Lavigerie, on ne parlait pas d’inculturation. Ce terme ne figure pas dans ses instructions.Mais son insistance sur l’apprentissage de la langue, l’observation et l’étude des coutumes montre à l’envi que le cardinal Lavigerie avait un grand souci de voir ses missionnaires s’imprégner de la culture des peuples que fréquentaient les missionnaires.

 

Les Pères Blancs fondent des missions ; les Sœurs : des dispensaires, des ouvroirs, des hôpitaux. Les deux congrégations sont à cette époque au sommet de leur maturité. Des obstacles, il y en a eu et de taille ! Différents selon les époques. Au début, c’est la pénétration au cœur de l’Afrique noire qui va exiger un lourd tribut en vies humaines. Récemment un confrère me disait que dans l’église de Mpala, près du Lac Tanganyika, il y avait plusieurs tombes de Pères Blancs, une douzaine de Pères et de Frères qui n’avaient pas vécu plus de cinq ans après leur arrivée au centre de l’Afrique. Il y avait aussi la plaie effrayante de l’esclavage. Des caravanes entières d’esclaves en route pour l’océan indien croisaient les caravanes des missionnaires au cœur de l’Afrique. En 1888, le cardinal Lavigerie, déjà usé et à bout de force, avait sillonné les capitales européennes pour crier son indignation et ainsi mobiliser l’Europe pour s’engager dans ce combat urgent contre l’esclavage. Petit à petit, les nations européennes ont réagi et vers le tournant du siècle : les marchands d’esclaves Tippo-Tip, Rumaliza, MwenyeHeri furent éliminés.

D’autres obstacles attendaient encore les Pères Blancs. Avant 1940, le P. Léon Leloir avait qualifié sa radio-causerie missionnaire de ‘triomphal échec des missions catholiques’ Les missions en pleine maturité voyaient arriver le clergé local à leur pleine croissance. En 1956 paraît le livre ‘Des prêtres noirs  s’interrogent’. Ils cherchent leur place dans cette Église missionnaire édifiée presque sans eux, au moins dans ses débuts. Cette prise de conscience coïncide avec l’apparition des mouvements d’indépendance. Les missions vont devoir prendre un tournant délicat. Le concile Vatican II à peine achevé, les guerres d’indépendances arrachées parfois de haute lutte, vont exiger de toutes les congrégations missionnaires une mise à jour fondamentale. C’est dans ce contexte nouveau que la Société des Missionnaires d’Afrique, en 1967, va entreprendre un aggiornamento. Deux sessions de deux mois vont permettre à la Société de se situer à frais nouveaux dans un contexte profondément modifié. Il y a à peu près partout en Afrique une hiérarchie locale responsable du destin des églises fondées par les Pères Blancs. Comment se situer dans cette nouvelle situation: se fondre dans le nouveau contexte au point de perdre son identité ou se replier sur soi ?

C’est aussi le moment d’un déclin sérieux du recrutement dans l’hémisphère Nord. Le chapitre de 1974 se donne pour mission de redéfinir plus finement le rôle de la Société au sein des Eglises dotées de toutes les structures nécessaires à leur pleine autonomie. La Société va offrir de se consacrer au sein des diocèses à des tâches initiales, dans des domaines nouveaux revivifiés par Vatican II : Justice et paix, Développement, Dialogue interreligieux. Mais le Chapitre de 1974 fut aussi un chapitre où les quelques membres africains donnèrent de la voix. Je me souviens encore très bien d’une intervention au cours de laquelle deux confrères africains interpelèrent sérieusement la Société qui avait déclaré ses portes ouvertes aux Africains mais n’avait rien mis en place pour les accueillir. Quelques années plus tard, le tournant était pris. En 1978, le premier centre d’accueil était ouvert en Ituri (RDC) et dans les années qui suivirent de nombreux centres furent érigés au point qu’actuellement toute la formation des jeunes se fait en Afrique.

 

500 candidats africains

À ce jour on compte à peu près 500 candidats africains en formation. En quarante ans, cette ouverture aux jeunes Africains a porté ses fruits. La Société en est à son deuxième Supérieur général africain, sans compter de nombreux assistants généraux sortis des mêmes rangs africains.

Grâce à ce sang neuf surgi de l’Afrique elle-même, la Société a repris des couleurs et de la vigueur. Elle entoure de soins et d’affection ses Pères Blancs vétérans pour la plupart retirés dans des maisons de retraite. Elle consacre beaucoup de ses forces à la formation des candidats africains, indiens, mexicains, philippins et encadrent sérieusement les nouveaux engagés dans leurs premiers pas sur la route de l’apostolat en Afrique et même en Europe.

Toutes ces forces nouvelles se réclament des intuitions du cardinal Lavigerie dont quelqu’un, un jour, a écrit qu’il avait taillé de la besogne en Afrique pour de nombreuses générations après lui.

Père Walrave Neven
Missionnaire d’Afrique

Le site officiel des Missionnaires d’Afrique belges (Sœurs Blanches et Pères Blancs)
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Retrouvez toute l’histoire de la Société des Missionnaires d’Afrique, mais aussi de celle de l’Église en Belgique dans le livre J’ai tout aimé en Afrique de Serge Desouter, missionnaire d’Afrique.

Celui-ci est notamment disponible sur le site des Missionnaires d’Afrique.
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