Retour sur l’aurevoir au Cardinal et sur les récents développements du synode

 

Retour sur l’aurevoir au Cardinal et sur les récents développements du synode

Ce dimanche 12 novembre, le Peuple de Dieu est venu en nombre à la Basilique de Koekelberg pour un double événement : à 15h, un temps de cheminement sur le synode et à 17h, une célébration eucharistique d’au revoir à Mgr De Kesel.   

Comment concrétiser la communion, la mission, la participation dans l’Eglise aujourd’hui ? 

Mgr Vanhoutte, évêque auxiliaire pour le Brabant flamand, commence par présenter sa lecture des conclusions de l’assemblée qui s’est tenue à Rome en ce mois d’octobre. D’emblée, il avoue : un mois, c’est long et fatiguant. Mais les résultats sont encourageants. Cette étape a été un moment fort d’écoute dans le respect, d’échange avec une grande ouverture d’esprit, de parole sans tabou sur tous les thèmes. Cette première session n’a pas livré de conclusions telles que les médias l’attendaient mais les participants ne sont pas déçus pour autant. Au contraire, réjouissons-nous de ce que les choses bougent dans l’Eglise : elle se veut moins cléricale, plus synodale.

D’abord parce qu’elle reconnaît l’égale dignité et la coresponsabilité de tous les baptisés. Ainsi la place des femmes n’est plus vue comme un problème mais comme une réalité largement reconnue. Une étude sur la possibilité du diaconat des femmes devrait d’ailleurs livrer ses conclusions avant la seconde session à l’automne 2024.

Ensuite parce qu’elle ne considère pas les ministres ordonnés comme une caste à part, par sa vocation supérieure aux baptisés. L’exercice de l’autorité s’engage dans un nouveau style, caractérisé par la consultation, la prière et le discernement communautaire et ce, à tous les niveaux.

Enfin, parce qu’elle veut devenir accueillante et inclusive (cfr le TODOS des JMJ), à l’instar de Jésus et promouvoir la pastorale présentée dans Amoris Laetitia : écouter, accompagner, discerner. Ici aussi, un groupe d’étude qui met en dialogue théologie, philosophie et sciences humaines sur les questions d’anthropologie chrétienne se penchera sur les éventuelles tensions d’une telle pastorale avec la doctrine de l’Eglise.

Mgr Vanhoutte ajoute encore qu’une Eglise synodale n’est pas une Eglise autoréférencée, une Eglise qui ne se préoccupe que d’elle-même. Au contraire, elle veut écouter la voix du monde, convaincue que l’Esprit est là aussi à l’œuvre.

Discussion avec le Cardinal Joseph De Kesel, Mgr Koen Vanhoutte et le diacre Geert De Cubber

Les 3 participants belges à la phase qui vient de se clore à Rome sont interrogés par Paul Delva.

Comment avez-vous vécu ce mois à Rome ?

GDC : écouter est fatiguant, surtout lorsque mon interlocuteur ne partage pas mon opinion ! Mais je me suis senti soutenu par l’Esprit Saint et par votre prière à vous tous, en Belgique.

JDK : c’était mon premier synode. J’ai été impressionné par l’aménagement des lieux : au lieu d’un auditoire, des tables rondes pour stimuler l’échange. L’ambiance était excellente, des amitiés se sont créées. La diversité est énorme, le monde entier était là, dans cette salle et en même temps, on a senti une grande unité.

KV : je ne suis pas parti avec grand enthousiasme mais je me suis rapidement converti, j’ai appris la patience et l’écoute de chrétiens d’autres continents. Même si ailleurs se vivent d’autres problématiques, nous marchons tous dans la même direction.

Quelles nouvelles pistes peuvent nous aider à relever les défis de demain ?

JDK : à ma table, nous discutions des divorcés-remariés quand un participant africain a expliqué qu’il était le fils d’un polygame. Je ne savais pas comment me positionner : est-ce une perversion que cette tradition ancestrale suivie par un homme respectable ? Finalement c’est le même problème que les divorcés-remariés européens mais dans un autre contexte.

GDC : j’étais le seul diacre permanent. Au moment de débattre de la question du diaconat, j’ai témoigné de ce que cette vocation à part entière représentait pour moi. Un évêque africain qui m’avait confié qu’il n’avait pas besoin de diacre parce qu’il avait assez de prêtres est revenu vers moi pour me dire que mon intervention l’amenait à reconsidérer la question.

KV : durant la retraite préliminaire, nous avons pris le temps de regarder le passé, d’admettre nos fautes et de nous convertir. La question des abus a été débattue et regardée en face. 

La seconde partie aura lieu à l’automne 2024. Que pouvons-nous faire entretemps ?
Qu’attendre de cette seconde partie ?

JDK : au début, le synode a souffert d’un malentendu : beaucoup pensaient qu’il s’agissait de la réforme de l’Eglise. Or le sujet du synode est la synodalité. Comment être moins clérical, la fraternité, la place des femmes, l’exercice de l’autorité… toutes ces questions (qui se retrouvaient déjà dans les synthèses locales, nationales et continentales) sont en lien avec la réforme de l’Eglise mais elles sont à traiter dans le cadre de la synodalité, où tous les baptisés sont co-responsables. L’Eglise ne deviendra pas totalement synodale en 2024, nous sommes toujours en chemin.

J’espère que l’apport des théologiens sera plus important à la seconde session, qu’ils puissent nous aider à discerner à l’aide de textes.

KV : que nous continuions à nous écouter, à nous traiter avec respect. Cela semble évident et pourtant…

KV & GDC : que lorsque des chrétiens se rencontrent, qu’ils puissent échanger sur ce que la foi signifie dans leur vie, en marge des discussions sociétales

GDC : les documents mentionnent à nouveau l’option préférentielle pour les jeunes. Si on pouvait amener un peu de la joie des JMJ dans nos communautés…

Vous aviez beaucoup de questions. Avec quel élément de cette expérience revenez-vous ?     

GDC : parler avec et non parler sur

JDK : j’ai été fort impressionné par les participants issus du continent africain. L’Afrique est en train de se positionner, parfois avec grande autorité. La décentralisation est aussi l’une des grandes questions. Lors d’une célébration, commentant le prophète Habacuc, l’archevêque de Kinshasa a dit « nous devons pleurer car nous avons péché », soulignant les abus sexuels, abus de pouvoir et la place des femmes. 

KV : j’ai confiance en cette volonté de l’Eglise de se convertir.

Les 6 étapes de la conversation dans l’Esprit

Nous avons pu vivre ce temps selon le schéma que nous commençons à connaître puisque c’est celui que nous avons utilisé depuis le début du synode, dès les rencontres au niveau local. La conversion vient de la conversation. Tous les participants ont joué le jeu et les chaises se sont rapidement tournées pour former plus d’une soixantaine de groupes de 5-6 femmes et hommes d’âge, de langue et d’état de vie différents. Une place importante est accordée au silence entre les tours de partage afin de favoriser la communion dans l’Esprit. Le premier temps de réflexion personnelle porte sur deux questions : dans les témoignages que j’ai entendus, qu’est-ce que je voudrais ramener à ma propre communauté ? Comment pouvons-nous faire le prochain pas sur le chemin synodal au sein de notre propre communauté ?  Le premier temps de partage est un temps d’écoute, le second, un temps de réaction bienveillante. Pour terminer, chacun est invité à noter sur un petit carton le cadeau avec lequel il repart.

 

La célébration eucharistique d’au revoir à Mgr De Kesel

Peu avant 17h, le mouvement se poursuit : prêtres et diacres prennent le chemin de la sacristie, on salue les nouveaux arrivants, on s’interpelle, les chaises retrouvent leur place… la célébration d’action de grâce pour le Cardinal Joseph De Kesel se prépare.

L’Eglise ne puise pas sa source en elle-même : Elle est convoquée, rassemblée par son Seigneur et en présidant cette eucharistie, Mgr De Kesel nous le témoigne une fois encore.  

Après la salutation, Mgr Luc Terlinden, nouvel archevêque de Malines-Bruxelles, prend la parole pour introduire la célébration. Il fait le lien entre le synode et le parcours du Cardinal. La conversion d’une Eglise cléricale vers une Eglise synodale demande du temps et de l’engagement, sous la conduite de l’Esprit. L’engagement du Cardinal pour l’Eglise prend sa source dans sa propre vocation. Il n’avait aucun plan de carrière mais nous lui rendons grâce d’avoir répondu aux différents appels. Mgr Terlinden souligne également que tous ceux qui ont rencontré Mgr De Kesel ont trouvé en lui un frère, présent à leurs côtés.

Ces premières paroles ont déjà fortement ému le Cardinal. Ce dernier nous invite à célébrer ensemble, en communion avec toutes les communautés de par le monde, la liturgie de ce dimanche.

Un évangile qui donne des clés pour le synode

Dans son homélie, le Cardinal revient sur la surprenante réponse de l’époux dans l’évangile de Matthieu. Surprenante, voire choquante : « je ne vous connais pas ». Connaître quelqu’un, ce n’est pas simplement en être bien informé. Pour connaître quelqu’un, il faut le rencontrer, l’écouter, partager beaucoup, vivre avec lui. Pour bien connaître, il faut du temps. Mgr De Kesel rappelle que Jésus en a fait l’expérience : on parlait beaucoup de lui mais était-il vraiment compris ? C’est en le côtoyant, en l’écoutant et en vivant en communion avec lui que les disciples ont, au fil du temps, découvert qui il était. Et ceci est aussi valable pour le synode : les décisions nécessaires peuvent être prises, s’il n’y a pas d’écoute, l’Eglise n’est pas synodale.

Le Cardinal ajoute que, dans la parabole, l’époux se fait attendre : c’est l’expérience de l’Eglise primitive qui comprend que son Seigneur ne reviendra pas immédiatement et que ce temps intermédiaire peut être mis à profit pour « prévoir l’huile », càd. vivre de Sa parole et pratiquer la fraternité.

Être chrétien, connaître Jésus, faire Eglise demande du temps, de la vigilance et requiert d’écouter la Parole de Dieu pour discerner ensemble ce que l’Esprit dit à l’Eglise. C’est aussi exactement ce que le processus synodal, qui entre maintenant dans sa dernière phase, nous invite à expérimenter. Au-delà des décisions, c’est d’abord le temps de la rencontre, de l’écoute dans nos diversités et du partage qui nous permettra de devenir une Eglise plus fraternelle. Comme le conclut le Cardinal, « On ne s’en tirera pas avec un peu d’huile en dernière minute ! »

L’évêque est celui qui donne un visage à l’Eglise

Reflet de la diversité de notre diocèse, les intentions de prière pour la paix, la solidarité, l’Eglise locale et universelle ont été exprimées en français, néerlandais, anglais et brésilien.

Le soir tombe… ainsi que la température mais nos cœurs sont brûlants, unis au corps du Christ et pleins de gratitude envers le pasteur qu’Il nous a donné pendant toutes ces années.

A la fin de la célébration, le vicaire général Steven Wielandts introduit le mot de remerciement des trois vicariats en reprenant les paroles du Cardinal : « l’évêque est celui qui donne un visage à l’Eglise ». Marie-Françoise Boveroulle (Bruxelles), Gisela Vanwinckel (Brabant Flamand) et les époux Myriam et Jean-François Frys (Brabant Wallon) se sont in fine rejoints pour mettre en exergue la qualité d’écoute du Cardinal et la lucidité de son regard sur l’évolution de notre société. Tous l’ont également remercié d’avoir incarné sa devise épiscopale « …Avec vous, je suis chrétien » d’une manière si inspirante.

Extrêmement ému par ces témoignages et les applaudissements nourris, Mgr De Kesel exprime sa reconnaissance d’avoir toujours été bien accueilli et bien entouré. « Sans le Seigneur, nous ne pouvons rien mais sans les uns les autres, nous ne pouvons rien non plus. C’est ça, la synodalité ! »

Monsieur le Cardinal, un dernier conseil pour la route ? « Gardez vos lampes allumées et n’oubliez pas l’huile ! » 

Dominique Coerten

 

©Photos Vincent Le Bihan

Lire l’homélie du Cardinal ici.

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