UP Anderlecht | Jeûne eucharistique durant le confinement

Cher(e)s Ami(e)s, Frères et Sœurs,

Un jeûne eucharistique forcé …

Plusieurs personnes ont exprimé ces dernières semaines leur difficulté à vivre le jeûne eucharistique forcé que nous vivons, vu l’absence de célébrations en ce temps de confinement.

1. Une souffrance, et un choix

Nous voudrions insister sur le fait que c’est une souffrance qui nous atteint tous, laïcs et prêtres. Nous comprenons ceux qui sont habités par des sentiments de fatigue, d’angoisse ou de colère, ou même d’injustice …

Les questions que nous portons et que nous voudrions évoquer ici concernent d’une part cette souffrance partagée, mais aussi le choix fait jusqu’à présent dans l’Unité pastorale à Anderlecht de ne pas organiser de célébrations limitées à 15 personnes, comme l’autorise pourtant la réglementation.

Mais le temps devient long … Certains, même dans l’équipe, verraient bien ce choix réévalué. D’autres ne le sentent pas. La situation inédite que nous vivons permet bien ces différences d’évaluation !

Il est légitime de reconnaître ces différences de perception, et d’avoir de possibles pratiques différentes, pourvu qu’elles ne portent pas atteinte à la communion entre nous. Car c’est bien de cela dont il est question dans l’eucharistie : la communion. Mais avant de présenter la proposition à laquelle nous sommes arrivés ensemble, il peut être bon de reprendre les enjeux qui ont guidé le choix initial de ne pas organiser de célébrations pour 15 personnes.

Ce choix n’a pas été opéré à la légère : il veut préserver pour l’avenir des dimensions fondamentales de l’eucharistie pour la vie de l’Eglise. Nous avions le sentiment que les conditions ne sont pas réunies actuellement pour pouvoir célébrer l’eucharistie dignement. D’autres lieux à Bruxelles ont certes fait un choix différent, et cela nous interpelle. Loin de nous de juger ceux qui ont fait un choix différent. Nous sommes évidemment dans une situation inédite, où chacun réagit comme il pense devoir le faire. Nos évêques ont choisi de ne pas prendre de position officielle, et laisser chaque équipe locale discerner…

En ce moment où nous devons encore faire preuve de patience pendant quelques semaines, il nous a semblé important d’expliciter quelque peu ce qui motive notre choix initial à Anderlecht, afin que ce puisse être pour chacun de nous une occasion d’approfondir le sens de l’eucharistie dans la vie chrétienne, de trouver un réconfort dans la situation présente et de se préparer à vivre l’avenir, quels que soient les choix qui seront faits pour les prochaines semaines.

2. La Pâques du Seigneur, source de la vie de l’Eglise

L’eucharistie célèbre la Pâque du Seigneur, c’est-à-dire son passage de la mort à la Vie dans une remise totale de soi au Père. Ce passage est la source de la vie même de l’Eglise. C’est dans ce mouvement, où elle ne retient rien pour elle-même pour tout recevoir du Père, que l’Eglise naît, qu’elle advient comme Peuple de Dieu, tous frères et sœurs, et enfants de Dieu avec et par Jésus. Une attitude possessive par rapport à l’eucharistie (« avoir droit à », « avoir besoin de ») ne va-t-elle pas à l’encontre de ce mouvement d’abandon du Christ dans les mains du Père ?

La célébration de l’eucharistie est fondamentalement une célébration pascale, qui rassemble tous ceux et celles qui accueillent ce don gratuit de Dieu. Elle constitue l’Eglise en corps du Christ, elle fait l’Eglise. Dès le début, l’Eglise l’a célébrée le dimanche, Jour du Seigneur, Jour de sa Résurrection. Elle est l’accueil de ce monde nouveau, où il n’y a rien à faire valoir, où tout est don, où tout est Vie.

Pendant de longs siècles, l’Eglise n’a célébré l’eucharistie que le dimanche. C’est d’ailleurs encore le cas dans les Eglises de l’orthodoxie. L’eucharistie en semaine s’est développée -d’abord uniquement dans les monastères- comme une dévotion qui déploie sur l’ensemble de la semaine la dynamique dominicale. En célébrant le premier Jour de la semaine, le dimanche, il s’agit effectivement bien d’exprimer que c’est toute la semaine qui commence qui est inscrite dans la dynamique de la Pâque du Seigneur.

Or, les limitations actuellement imposées légitimement par les autorités pour préserver la santé de tous ne nous semblaient pas permettre de rejoindre ces dimensions fondamentales de l’eucharistie, ou du moins les rendre très difficiles. Les rites sont fragiles, et les dissocier de leur sens fondamental présente le risque de leur faire perdre leur pertinence, en particulier lorsque la crise sera passée… Comment célébrer l’eucharistie le dimanche, jour si essentiel pour notre foi chrétienne, avec 15 personnes, alors que la majorité ne pourra y participer ? Comment célébrer en semaine, si le Jour du Seigneur n’a pas pu être célébré ? En mettant en œuvre des célébrations avec inscriptions individuelles, ne met-on pas en danger la dimension fondamentalement ecclésiale de l’eucharistie au profit d’une dévotion individuelle ? Et que serait une dévotion individuelle si elle ne peut pas être vécue en Eglise ? Autant de questions qui invitent à être prudents pour préserver la place fondatrice de l’eucharistie pour l’avenir de l’Eglise …

Ces questions que nous nous posons ne viennent pas de nulle part. Depuis bien longtemps, la catéchèse, la formation chrétienne, ont été centrées sur la préparation aux sacrements, pouvant donner l’impression à un certain nombre de chrétiens que la vie chrétienne se concentre dans la pratique des sacrements. Il est donc normal que nous nous sentions tous aujourd’hui très déstabilisés. Cela invite à bien examiner tous les programmes de catéchèse et de formation chrétienne lorsque la crise sera passée !

Accéder à la suite de l’article sur le site de l’UP d’Anderlecht.